Fragments de lecture no 2

  Les ingénieurs du chaos   Auteur : Giuliano da Empoli

Un peu partout dans nos sociétés occidentales, nous assistons à une montée des mouvements et des partis populistes. D’étranges personnages ayant parfois (souvent ?) pour caractéristiques l’incompétence et l’ignorance face à la tâche à accomplir, et qui, trop fréquemment, utilisent la vulgarité et les insultes comme moyens de persuasion, réussissent à se faire élire. En amont, ils adoptent des positions reposant sur la désinformation, les théories du complot, le rejet de la science, la négation des changements climatiques, et les faits alternatifs (lire : faux). Du moins, me semble-t-il, c’est la vision de l’auteur.    

Se posent alors les deux éternelles questions : pourquoi, et comment.

À la première question, pourquoi est-ce que les partis populistes sont une option attrayante pour une partie de l’électorat, l’auteur répond : à cause de la rage qui habite le peuple.  Phénomène nouveau ? Pas du tout.  Plutôt plusieurs fois millénaire. Mais pourquoi aujourd’hui ?  Pourquoi cette perte de confiance envers les élites traditionnelles ?

 « Derrière la rage du public, il y a des causes réelles. Les électeurs punissent les forces politiques traditionnelles et se tournent vers des leaders et des mouvements de plus en plus extrêmes car ils se sentent menacés par la perspective d’une société multiethnique et, dans l’ensemble, pénalisés par le processus d’innovation et de mondialisation que les élites leur ont fait avaler à doses de cheval au cours du dernier quart de siècle. »

Quant à la deuxième question, elle peut être formulée ainsi : comment les populistes arrivent-ils à leurs fins ?  C’est ici que les ingénieurs du chaos entrent en jeu et offrent leurs services.

« Pour les ingénieurs du chaos le populisme nait de l’union de la colère avec les algorithmes. »

Les algorithmes ? Précisons : les réseaux sociaux, l’information qui circule sur Internet, etc.  Mais encore ?

« Le Carnaval contemporain se nourrit de deux ingrédients qui n’ont rien de déraisonnable : la rage de certains milieux populaires qui se fonde sur des causes sociales et économiques réelles ; une machine de communication surpuissante, conçue à l’origine pour des fins commerciales, devenue l’instrument privilégié de tous ceux qui veulent multiplier le chaos. »

L’analyse de la situation par l’auteur est-elle valable et reflète-t-elle la réalité ?

À vous d’en juger.

Mais, réflexion faite, une troisième question, sous forme d’inquiétude, surgit.

La légende veut que, en l’an 64 après J.-C. , Néron, devenu fou, qui se prenait pour un artiste, ait regardé brûler Rome de son balcon en jouant de la lyre. Les historiens ont conclu que cette version est fort probablement fausse.  Mais ils pensent aussi, pour la plupart, que Néron aurait pu effectivement avoir quelques boulons mal ajustés dans la boîte crânienne…

La question devient alors :

Est-ce que les nouveaux empereurs fous, certains se prenant même pour des artistes du deal, entourés de leurs ingénieurs du chaos, regarderaient du haut de leur palais blanc brûler, au sens figuré, nos démocraties et, au sens propre, notre planète ?

L’avenir le dira.

Nombre de pages : 215

B.R.